BREF APERCU HISTORIQUE:

LE CHEVAL PIE, CHEVAL DE ROIS ( Ferdinand d'Aragon, Louis XV, François-Joseph, Napoléon...)

La robe pie, qui tend à passer aujourd'hui pour une excentricité peu à peu exclue de nombreux stud-book, a été dans le passé très recherchée et considérée comme une marque de bon goût.

Nous savons que les chevaux pie étaient très présents à la cour d'Espagne dès le 15° siècle. Parmi les chevaux débarqués en Amérique par le Conquistador Hernan Cortez en 1519, figuraient deux chevaux pie. Ce sont eux qui furent à l'origine des poneys pie affectionés par les Indiens d'Amérique qui avaient coutume de peindre sur leurs taches blanches des empreintes colorées et différents dessins. NEPOMUK, le champion américain pie noir de saut d'obstacles, a donc probablement une lointaine origine espagnole.

Au milieu du 16° siècle, le maréchal de Turenne remporte à Dunkerque une victoire sur la Fronde monté sur une jument pie. Il suit en celà l'exemple de son roi, Louis XV, que nous voyons, sur un tableau du peintre Jean-Baptiste Oudry daté de 1686, partir à la chasse sur un cheval pie. A la même époque, en 1653, le peintre Paulus Potter représente un cheval pie tigré qui restera célèbre. Le cheval pie est si apprécié qu'il représente un cadeau particulièrement honorifique: à la fin du 19° siècle, le prince de La Tour-Enguerrand assiste à une chasse à courre sur un cheval pie en déclarant: "Cette couleur est de tradition dans notre famille depuis que le maréchal de TURENNE qui ne montait que des juments pie, a donné une de ses bêtes à mon arrière-arrière-arrière-grand père!"

En 1741, François-Alexandre de Garsault, directeur des Haras Royaux, écrit dans son traité "Le Nouveau Parfait Maréchal': "Les poils les plus agréables et qui passent pour les meilleurssont le bai, le rouan et l'alezan; le pie, le tigré et l'isabelle doré à crins noirs sont des poils ornés dont il n'est pas mal d'avoir quelques-uns dans votre haras pour la curiosité."

En 1836, M.Delacroix, "artiste-vétérinaire", reprend dans "Le Nouveau Maréchal Expert": "On appelle pie tout cheval qui a des marques de poil blanc sur un autre poil; il y en a de différentes sortes:

- pie-noirs, sont les plus ordinaires, et ce sont les vrais pies: bons chevaux

- pie-bais, meilleurs

- pie-alezans, encore très bons.

Ces trois différents pies ont du blanc jusqu'au-dessus du jarret, et sont tous d'excellents chevaux: remarquez pourtant que ceux qui ont le moins de blanc sont les plus recherchés par les connaisseurs pour la beauté et la bonté."

En 1894, encore des spécialistes, Jacoulet et Chomel, dans leur "Traité d'Hippologie" notent: " Robe pie: cette robe n'est autre chose que l'union par plaques de la robe blanche avec l'une ou l'autre de celles précédemment décrites. Il peut donc y avoir des chevaux pie noir, pie alezan, pie bai, pie isabelle, pie aubère, pie rouan, pie louvet etc... Comme le mot pie signifie mélange de blanc à une autre robe, on dit, dans un signalement qu'un cheval est pie noir, bai ou aubère, etc.. lorsque les taches blanches sont prédominantes ; qu'il est noir, bai, alezan, aubère, etc. -pie lorsque c'est la nuance désignée en première ligne qui forme le fond de la robe... Le Danemark, le Hanovre, les bords du Danube et, paraît-il l'Amérique sont les contrées qui en produisent le plus; ils sont recherchés..."

Effectivement, sur les bords du Danube, en Autriche, nous trouvons trace de nombreux chevaux pie. Le plus célèbre est CERBERO, un des chevaux de l'Ecole Espagnole de Vienne, peint vers 1700 par George Hamilton: "Cerbero, un sauteur particulièrement doué" dans une cabriole.

En 1855, toujours en Autriche, près de Bad Ischl, l'empereur François-Joseph emmène promener sa fiancée Sissi dans un magnifique attelage: six chevaux pie, deux au timon et quatre à l'avant, menés par le Grand Ecuyer Comte Grünne, tirent le cabriolet impérial. Un autre tableau de la même époque figure dans la collection Hermès à Paris; il représente le même empereur François-Joseph menant lui-même à grande allure son phaéton tiré par deux chevaux pie et s'intitule "Une heure de détente sportive pour l'empereur d'Autriche".

En 1800, un autre empereur, Napoléon, est représenté par David alors qu'il n'était encore que Bonaparte, en train de passer le Saint Bernard monté sur un fougueux pie noir. Mais, avis aux éleveurs tentés de se lancer dans l'exportation vers le Maghreb, un poverbe arabe dit: "il faut fuir comme la peste... le pie, frère de la vache"!

UNE VOLONTE DISCUTABLE D'UNIFORMISATION VENUE D'ANGLETERRE

Malheureusement, à la fin du 19° siècle, une volonté affichée de discrétion, assimilée à tort ou à raison au bon goût, a fait disparaître peu à peu la robe pie. C'est le moment où, dans le même désir de bannir tout ce qui pouvait se distinguer, on se mit à recouvrir de cuir les boucles des harnachements afin d'éviter qu'elles ne brillent trop. Cet excès s'étendit d'ailleurs peu à peu à la robe grise, sans toutefois l'exclure au même point que la pie.

UNE LENTE REAPPARITION

Heureusement, certains Haras, notamment dans les pays de l'Est, continuèrent à produire des pie, on trouva même en Pologne un attelage tout à fait particulier, en réaction contre la volonté d'uniformisation, où l'on se devait d'atteler ensemble des chevaux aux robes les plus variées. Certains particuliers ont également conservé d'anciennes souches, ou sont repartis de zéro et, par le biais de croisements réfléchis, sont parvenus à produire de nouveau des Pinto de qualité. Il existe également aujourd'hui un courant d'importation à partir des pays de l'Est, ainsi que des Etats Unis et du Canada, qui ne font ainsi que renvoyer en Europe les lointains descendants des Conquistadors! Tout ceci fait que la robe pie réapparaît progressivement: en France, de 1976 à 1997, suivant les informations communiquées par les Haras Nationaux, 1256 chevaux de robe pie ont été inscrits au SIRE: 65 Selle Français, 34 Cheval de Selle Facteur de Selle Français, 4 Pur Sang, 1152 Cheval de Selle et 1 Barbe, sans parler du nombre difficilement quantifiable des chevaux d'origine non constatée .